WHORESNATION -DEARTH (2022)

WHORESNATION  – DEARTH (2022)

Dans la grande famille dysfonctionnelle du grindcore européen, celle au père crusty patché jusqu’à l’os et fumeur de cailloux nucléaire et à la mère brute néandertalienne sous perfusion death metal US je demande : Whoresnation !
Originaire de Besançon, et s’étant amplement spécialisé dans le bigornage de crane sur fond de blast beats, et ce depuis 2009 (tout de même messieurs dames) ! Whoresnation dépeint pour le mieux à l’échelle musicale la détresse et la taciturnité ambiante de la vie dans le grisaillant grand est hexagonal. |
Par Nino Futur

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Besançon et ses bourgades alentours sont en France un véritable vivier de groupes tous plus cafardeux les uns que les autres entre grind, crust, death metal et screamo. Beaucoup de groupes DIY se sont développés en tant que références européennes dans ces contrées bruineuses et persistent. Reconnus comme les plus dangereux et les plus vifs en matière de grindcore pure tradition, tous blast dehors et poignard entre les chicots, le combo doubien a déjà fait ses preuves sur la scène afin de montrer son efficacité.

Crippled Fox le disaient dans Karton #7 : « personne ne peut rivaliser avec eux ». 

Doté d’un batteur à la frappe métronomiquement violente, et d’un riffeur à toute épreuve, toutes les planètes s’alignent pour que ce Dearth paru il a près de deux mois soit une petite consécration en la matière, là où le précèdent Mephitism sorti chez Throatruiner en 2018 s’imposait déjà en bon parpaing de noirceur pour nos pavillons auditifs.

Mais vous me direz : hormis faire du storytelling abusif et parler en surface du groupe qu’est ce qu’il vaut ce Dearth ?

Et bien à vrai dire, chroniquer un album de grindcore est un exercice très difficile en soi. Si son efficacité est très vite avérée, il est assez dur d’entrer en profondeur dans la substance d’un disque, de par son aspect condensé et monolithique. D’autant plus de parler musicalité quand le propos reste le même du début à la fin: l’agression. Mais là où Whoresnation parviennent à faire la différence c’est dans leur jusqu’auboutisme en matière de turpitude. Un must pour tous masochistes des oreilles.

Toujours plus engouffré dans la brèche death metal à l’ancienne que son prédécesseur, on y ressent même des petites influences « à la suédoise ».

La production  signée Steph « Tanker » Lawansh (Blockheads, Vlaar…) ainsi que Greg Wilkinson (membre du très confident mais incroyable groupe US Brainoil ) sonne suffisamment raw pour ne pas targuer le groupe de l’étiquette de poser (cette caisse claire !), et suffisamment clean pour en faire un bon disque.


La recette reste relativement la même que sur les sorties précédentes, un savant mélange de grind pure école, croisé au death metal le plus poisseux et néanderthalien envisageable, avec des voix inhumaines tout en profondeur qui grondent sur l’ensemble.

Des breaks et autres riffs très typés death metal old school tellement sales et caverneux qu’on sent le renfermé sortir des enceintes (« Craving to death », « Avalanche »)… Bien que les lyrics soient insaisissables on devine un semblant de fond politique derrière certains titres Everyday Kriegspiel », « French Enucleation »).
Le disque m’a même fait me pencher sur le Doktor Bluthgeld de Phillip K.Dick, voire même prendre un petit cours en dermatologie  avec « Bullous Pemphigoid » ( à googler avec précaution)…


Bref, Dearth est épuisant, agressif et suffocant, tant d’adjectifs qui en temps normal seraient rédhibitoires pour un album mais qui pour Whoresnation n’est que synonyme d’une opération rondement menée… La sortie metal extrême de l’année tout simplement ! A ne pas mettre entre toutes les mains si ce n’est celles des vrais, ceux qui savent apprécier un bâtonnet de surimi périmé avec son assaisonnement de fond de cendrier.

Mention spéciale à l’inquiétant artwork signé Matt Sidney résumant magnifiquement l’abjection qui nous attend au tournant. Probablement une des meilleures du groupe.