TINAA

TINAA

(Rap, Nantes)

Le rap de Tinaa est franc, direct, chargé en émotion. Qu’ils soient kickés ou chantés, ses textes disent quelque chose d’intime, révélant à la fois une énérgie universelle. La force des bonnes chansons !

On prend la direction de Nantes, et on se pose avec Tinaa pour mieux comprendre son univers, son « blues », sa gouaille, et sa détér’ à faire le plus de bruit possible !

Avant de rapper, tu chantais beaucoup, seule avec ta guitare.
Comment as-tu décidé de te mettre au rap ?
Tu es éduc-spé à la base.
Quel a été le déclic pour te consacrer entièrement à la musique ?

C’est vrai que tu as passé beaucoup de concours. Tu en as même gagné la plupart ! Tu peux nous parler de cette démarche ?

T : J’ai démarché tout ce que je pouvais, histoire d’avoir plus de moyens et des opportunités d’accompagnement. Mon premier tremplin au bar le Tempo à Guemene Penfao m’a permis de financer mon premier EP 5 titres Alba, pressé à 500 exemplaires.

Après j’ai eu le prix au tremplin « Pulsations » à Angers. Cela m’a beaucoup aidé car en tant qu’étudiante car je n’avais rien. En tout cas, pas assez pour produire quoi que ce soit. Encore aujourd’hui je n’ai pas d’équipe. Je me débrouille toute seule. Là où j’ai eu beaucoup de visibilité, c’est quand j’ai gagné le concours Hip Hop Talents en 2024. Suite à ça, j’ai posé un freestyle sur Skyrock et Konbini a fait une vidéo sur moi.

Dans ta chanson « Blues » tu dis : « je ne suis ni bad bitch ni garçon manqué. Féministe comme witch, où vont-ils me caser ? ». Tu as senti que les gens voulaient absolument te catégoriser ?

T: A la fin des concerts c’est toujours un peu les mêmes remarques. Genre que je leur rappelle Keny Arkana ou Diam’s… En bref, une meuf qui rappe quoi ! Comme si on nous enlevait nos propres particularités. C’est un peu chiant. Personne ne ferait autant de raccourcis avec un mec.

Mais à côté de ça, le fait d’être une meuf te fait sortir du lot. Pour en revenir à la phrase que tu as cité, je voulais dire qu’en général, les gens ont tendance à te classer dans deux extrêmes. Ou ils te voient comme un garçon manqué, ou ils t’hypersexualisent. Personnelement, je ne me retrouve dans aucun des deux, je veux briser les codes en restant moi-même. J’ai envie de rapper énervé, et de chanter. D’exprimer plein de choses de manières différentes. 

Tu es une personne politisée, proche des milieux militants. As-tu toujours voulu mettre ta musique au service de tes idées ?

Sur ton profil Insta tu as mis : « aussi à l’aise en SMAC* qu’en ZAD ». Peux-tu nous parler de ce côté tout-terrain que tu as développé?

*(Le label « Scène de musiques actuelles » (SMAC) est attribué par le ministère de la Culture à certaines salles de concert subventionnées)

On voulait parler avec toi de ta chanson « Sors de ma tête ». On dirait qu’elle a vraiment marqué beaucoup de gens.

T: Cette chanson parle de deux trucs. D’abord d’une relation d’amour déséquilibrée. Elle se passe mal. L’autre personne n’en veut plus, alors que moi, je suis à fond dedans. Je n’ai pas le contrôle et ressens un sentiment de violence. Quelque part, on me fait sentir que je ne suis pas assez bien pour l’autre.

Ce besoin d’être validée et de devoir remplir ce vide à travers les conquêtes. Il y a un coté malsain là-dedans. C’est inconscient, on soigne son égo. Comme pour reprendre le contrôle sur les mecs. Du genre « ah tu m’as sexualisée tout ma vie ? Et ben moi aussi je vais te prendre et je vais te jeter après ».

Et j’ai eu énormément de retours, de la part de plein de meufs. Beaucoup m’ont dit que j’avais mis des mots sur quelque chose de réel. Même des mecs se sont reconnus dedans. Le refrain reste pas mal dans la tête aussi. En concert ça se voit, les gens sont à fond !

Jamais je n’utilise le mot patriarcat. Mais je dis : « j’aime pas les mecs, j’aime leur validation / J’ai pas les codes pour m’aimer moi-même / Si je les allume c’est par aliénation / Car c’est dès l’école qu’ils m’ont mis des moyennes ». Mon féminisme transpire tout au long du morceau. C’est ma façon de politiser le truc. C’est vraiment vers ça que je veux me tourner.

Comment souhaites-tu faire évoluer ton projet musical ? As-tu une vision sur le long terme ?  

Quels sont les artistes les plus écoutés de ton récap Spotify de fin 2024 ?

T: Il y avait Jul, Hugo TSR, Dooz Kawa… Mais ce n’est pas forcément représentatif. Si il y a un single que j’ai saigné à mort, cela va faire monter les stats de l’artiste en global !

En vrai, si je devais citer le top 3 des artistes qui m’inspirent le plus, je te dirais : Mano Solo, Dooz Kawa et Edith Piaf ! Si tu mélanges un peu tout ça, tu peux comprendre mon univers. On m’a déjà dit que ce que je faisais, c’était genre comme si Edith Piaf faisait du rap. C’est un sacré compliment. Mais ça ne sort pas de nulle part.