SHOOTING DAGGERS – LOVE & RAGE (2024)
-New Heavy Sounds-
Deux ans se sont écoulés depuis la sortie d’Athames (cf : Karton #8) premier EP coup de poignard, de très bonne facture pour le trio « Queercore » Londonien.
Deux ans mis entièrement à profit à faire infuser la rage frontale et rudimentaire d’un punk hardcore, lorgnant vers des tendances post-, le tout pour un message radical et simple : lancer le cri de guerre fatal contre le dogme patriarcal.
Mettre à feu une scène punk macérée dans ses propres contradictions, la rage de vaincre en exergue et des dagues plein les yeux.
| Chronique Par Nino Futur
Il aura fallu deux ans seulement aux Shooting Daggers pour revoir leur angle d’attaque et concentrer leur propos, soulager la rage viscérale, en finir avec la résignation d’avancer intimidées sous l’écrasant male gaze punk, et ce besoin immédiat de voir brûler sur place les figures de la masculinité.
Positives à bloc, les trois londoniennes nous délivrent ici un propos frais et inspirant, celui de l’unité et de l’exploit collectif, de s’organiser ensemble et de s’ouvrir pour ne plus laisser les mêmes mécanismes de société broyer les mêmes victimes.
« Not My Rival » premier single de l’album en est une magnifique interprétation, un appel à l’empathie, à l’éradication de la misogynie intériosée en chacun.e d’entre nous, briser les cycles et l’homme intérieur guidant nos actes pour mieux s’unir.
(« We watch ourselves being looked at, A man inside rules how we act.» ).
« Dare » track d’ouverture de l’album d’obédience rock avec un grand R est un immense appel à la fierté queer a s’assumer, ne plus s’écraser et prendre les rênes de chaque parcelles de nos vies.
On notera également une référence directe à feu G.L.O.S.S., figure de proue de la scène queer punk mondiale appelant à donner une chance à la violence nous montrant que les dagues ne sont pas posées pour autant et que la mission Shooting Daggers n’est pas venue prôner le pacifisme total. (Jetez un œil aux très kaos punx de « Bad Seed » et vous verrez.)
Avec une production toujours plus léchée signée Wayne Adams (producteur UK actuel de musique extrêmes/electro) « Love and Rage » s’ancre dans la lignée de cette scène hardcore actuelle distillée dans la gamme mélancolico-mélodique des éternelles 90’s.
Moins frontal et cru que son prédécesseur, les compositions lorgnent d’avantage vers le groove joyeusement-triste d’un Turnstile actuel (« Smug », « Tunnel vision ») ou vers un rock and roll grungisé à souhaits rappellant les puissantes envolées mélodiques de chez Narrow Head (le refrain de « Smug » d’une efficacité indescriptible).
Ou bien la tout simple coolitude d’un « Wipe Out » servant d’appel général aux meufs de prendre les skates et d’occuper la ville afin de faire de cette discipline quelque chose de moins boloss.
Quand ce n’est pas dans le hardcore que shooting daggers puise ses ressources c’est dans tout le spleen contemplatif de l’emo US. Comment ne pas penser à Title Fight et son « Head in the ceiling fan » à l’écoute de « A Guilty Conscience Needs an Accuser » où images nostalgiques et traumatiques se confondent dans le kaléidoscope flou, noyé dans les réverbérations de guitares. Ou encore aux bostoniens de Fiddlehead et leurs fulgurances indie à travers un « Love and Rage » morceau éponyme plus empreint de positivité et de résistance.
Album synonyme d’espoir et d’empowerment total, « Love and Rage » n’a jamais aussi bien porté son nom. Entre volonté collective de se porter vers le haut, donner le meilleur de soi pour effacer l’oppresseur, et volonté guerrière, Shooting Daggers vient peut-être de signer un album angulaire pour le microcosme Queercore. Au travers d’une œuvre aussi frontale qu’à fleur de peau.
Un appel à l’affirmation et à la fierté queer pour une scène véritablement inclusive et consciente de ses faiblesses, chercher à construire les alternatives plutôt que de vouloir détruire. Pour un renversement des rôles et des codes : tourner la douleur en force, l’amour en rage.