Sur terre, il y a les bons et les mauvais connards. Les Rotofil Khonaar sont une classe à part, hybride sonore croisant jungle, drum and bass, punk et metal, poppers et bière sans alcool. Le duo d’hyperactifs Toulousains s’ouvrent à nous pour leur toute première interview. Entre psychédélisme urbain et brutalisme champêtre, entre basse et batterie le message est clair comme le cristal : « Drum ! Drum ! Drum and Bass ! ».
| Propos recueillis par Ninofutur.
Rotofil Khonäar ça a commencé quand, comment et pourquoi ?
Gaétan (Basse, voix) – hm… 2018 je dirais.
Rémi (Batterie) – Ça a commencé parce que je traînais au Bikini (célèbre club Toulousain : NDLR) en soirée Drum’n’Bass, et en parlant un peu par hasard de metal avec un gars on a fini par lier des liens, et par vouloir monter un groupe ensemble, il m’avait dit connaître un bassiste qu’il avait rencontré dans une teuf à la campagne.
G– Ce mec je l’avais aussi rencontré dans une soirée DnB. Il a été notre chanteur pendant un an et nos routes se sont séparées parce que nous n’avions pas les mêmes ambitions, il partait souvent en voyage et ratait des concerts.
C’est comme ça que je me suis vu obligé de prendre la voix et on s’est rendu compte que ça marchait tout aussi bien.
Est-ce que vous étiez déjà dans la même vibe musicale que maintenant ?
G – Non, c’était beaucoup plus décousu, beaucoup plus noise.
R – T’as un de nos premiers concerts encore en ligne sur Youtube si tu veux jeter une oreille.
Et comment en êtes-vous arrivés à ce concept Punk-Drum’n’Bass ?
G- Dès le début, je savais qu’il y avait un truc à faire avec la drum and bass, vu que c’est un peu notre kiff commun. On est passé par la case noise-jesaispasquoi parce que je savais pas tout ce qui était possible pour moi avec des pédales d’effets.
R – Vu qu’on a voulu devenir un duo on s’est vite trouvé un peu limité dans notre formule, on a donc cherché un nouveau son qui donne l’impression d’être plusieurs musiciens à la fois.
Qu’est ce qui musicalement vous met tous les deux d’accord au sein du groupe ?
G- Compliqué…
R – La première fois qu’on a joué ensemble on s’était dit que ça allait pas du tout le faire, Gaétan me parlait de Nirvana, je parlais de Death metal technique… (rires). J’ai appris à m’ouvrir un peu plus à « l’alternatif ».
G – Bah si y’avait quand même toute la vieille drum and bass : Ed Rush, London Electricity, Dillinja…
C’était surtout ça notre délire. Ça m’a toujours parlé parce que je vois ça comme un équivalent du rap ou du punk pour la musique électronique, super rythmique…
Rotofil Khonaar est un peu un groupe à gimmick, vos morceaux tournent souvent autour d’une idée ou de délires beuglés à la manière d’un sample…
G – On a quelques morceaux qui ne tournent qu’autour d’un riff. La plupart du temps j’arrive avec une idée et Rémi m’aide à restructurer tout différemment, on a même parfois trouvé des idées en live !
Pour les paroles, je commence toujours par dire n’importe quoi et des paroles viennent naturellement remplacer le baragouinage. Cela parle souvent de drogues, de voyages, de sensations. Ça va avec le cheminement de ce qui est en train de se passer pour moi. Maintenant que j’arrête les drogues, je trouve encore plus drôle d’en parler comme ça.
La drogue fait quand même part belle dans l’imagerie du groupe, de vos visuels, jusqu’au logo, comment vous-vous positionnez sur cette imagerie, maintenant que vous êtes en train de freiner là-dessus ?
R- C’est encore totalement assumé. Notre logo c’est un rat qui tape du speed. On en a quand même pas mal pris, même si on est plus des arrachés, on continue à assumer, parce que ça va faire un « tri ».
On nous a dit que ça faisait pas « pro », c’est aussi une manière de prévenir quiconque veut nous inviter au public qui risque de venir. De plus on a pas de problèmes avec ça.
G- La drogue fait partie de ma vie. J’étais très timide avant, ça m’a fait avancer sur pas mal de choses jusqu’à devenir un problème. Il y a tellement d’histoires, de rencontres, de voyages dans ma vie qui y sont liées que ce serait impossible de ne pas en parler. Maintenant que je me suis calmé, ça va vite me saouler de voir tout le monde taper autour de moi…
R- Bah c’est vrai que les relations deviennent vite moins naturelles, et on a vite capté que si on continuait à faire les arrachés la continuité du groupe serait compliquée.
Peut-être que d’ici peu, le rat de notre logo fera du vélo ou boira une bière sans alcool.
En parlant de continuité, c’est quoi vos ambitions avec ce projet ?
G – Rémi et moi on est pas sur la même longueur d’onde par rapport à ça,. Il ne veut pas en vivre alors que moi oui.
R – Oui, ça c’est une chose. Mais le fait est qu’on veut quand même tourner un maximum. Le fait que je ne veuille pas en vivre me regarde. C’est parce que je préfère vivre d’une autre façon à côté. Un projet comme ça, j’ai pas forcément envie d’en faire un autre et ça ne se reproduira peut être pas. Alors je prendrais ce qu’il y a à prendre.
G- On est raccord là-dessus, jouer un max et propager le son, montrer que le punk n’est pas un genre uniforme.
Vous avez lancé depuis quelques années le concept des Khonaar party, des soirées sauvages organisées comme des teufs autour de Toulouse.
Celle de cette année supposée être « la dernière » a été un franc succès. Vous pouvez nous en dire plus là-dessus ?
G- Tout est parti d’une discussion avec un pote qui m’a parlé d’un spot d’urbex sur Toulouse, on y est allés et avons de suite eu l’idée d’y monter une soirée.
Rémi, ce grand bricoleur, s’est mêlé au projet. Système D, groupe électrogène, petit mur, et DJ’s de drum and bass.
C’était aussi important pour nous, car cela correspondait à une époque où on galérait à trouver des concerts. Ça a été un espace de liberté pour pouvoir se faire jouer devant des gens chauds. La première Khonaar a été un réel déclencheur pour moi.
R- Le problème qu’on a eu, c’est qu’on voulait alterner des groupes entre les DJ sur le mur de son,. Mais peu de groupes étaient chaud à vouloir jouer en teuf. Gérer un mur de son et une scène c’est pas si évident…
G- Sur la dernière, Roti Bondage s’est prêté au jeu, on était enfin pas le seul groupe punk à jouer. Il y avait aussi La Cercleuse qui faisait du rap.
Comment opériez-vous pour décider du lieu où organiser qui changeait chaque année ?
G- Avec Rémi on est tous les deux pas mal dans l’urbex, on aime bien s’arrêter en voiture et regarder les hangars. On a fait un hôpital abandonné assez connu sur Toulouse, une maison abandonnée que Rémi avait dégotée, on en a fait sous un pont… C’est aussi ça qui fait qu’on en a pas fait des masses non plus, on n’est pas des teufeurs invétérés. Il faut trouver le lieu parfait pour minimiser tous les risques.
R- Pour la dernière, on a dû passer la faux carrément ! Merci à la vue satellite de google map !
G- Une semaine de prépa pour la dernière. J’aimerais en refaire une mais j’ai l’impression qu’à Toulouse ça devient chaud, avec de plus en plus de flics en patrouille.
R- C’est pas mal épuisant aussi, on a pas un groupe électrogène de compète. Il faut faire deux mille allers-retours en bagnole par des chemins improbables…
G- A partir du moment où la date est annoncée, je deviens fou et ne pense plus qu’à ça. Cela prend pas mal de temps. Maintenant pour moi, la priorité c’est le groupe plus que les soirées.
Vous avez dernièrement intégré un nouveau membre occasionnel : « Loustic » qui emmène de la performance sur scène en mêlant show drag et peinture.
Comment l’avez-vous intégré ? Va-il prendre plus de place dans votre show ?
G- Intégrer Loustic sérieusement au set ne s’est pas encore vraiment décidé. C’est le meilleur pote de ma copine qui est acteur, et qui s’est lancé dans le drag il y a quelques temps.
Après une discussion qu’on a eu durant l’occupation de la fac du Mirail, on a décidé de faire des trucs ensemble, on l’a invité sur scène pour faire de la perf au Fifigro (Festival à l’initiative de l’émission TV Groland : NDLR).
On était pas mal fans de sa peinture aussi au posca et à la bombe, le reste s’est fait naturellement, mais à côté, il a une vie plutôt remplie avec le théâtre.
On perçoit dans le punk se dessiner une nouvelle génération, plus ouverte esthétiquement et qui semble se foutre un peu plus des codes musicaux figés, être plus alertes sur des questions liées au sexisme, au genre et autres.
Pensez-vous Rotofil comme du punk 3.0 ?
G- Il y a pas long, j’étais sur le côté de scène avant un concert et un mec de la salle m’a regardé avec dédain avant de dire à voix haute « c’est quoi ces punks en robe maintenant ? ». Dès que tu sors des codes du punk ça dérange. J’ai pas envie de m’ancrer dans un mouvement ou quoi, mais jouer sur scène habillé plus librement ça fait tellement de bien.
R – On nous prends souvent pour des petits rigolos, il faut qu’on s’affirme jusqu’au bout pour être respectés. Des fois j’ai l’impression que les scènes punks sont un peu comme des partis politiques. Certains ne captent juste pas que le courant évolue.
Des groupes actuels à suivre de plus près, ou des kiffs persos ?
G- Show Me The Body ! Bourdon Mobile qui me mettent souvent les frissons, Nuit Bleue, La Jungle (c’est une sacrée tarte). Roti Bondage même s’il s’en branlent (rires)
R- Stray From the Path, Ten56. EPIQ aussi c’est ouf, ça m’a fait péter mon crane !
Pour finir, ce serait quoi pour vous l’état d’esprit Rotofil Khonäar ?
R- Le fait maison, la bricole.
G- Être un connard dans le respect, être trash et débile dans la bienveillance