RABASTOCK

RABASTOCK

Le Rabastock reste le secret le mieux gardé du Tarn. Chaque mois de juillet, sans comm’, 8000 personnes se réunissent sur deux jours au beau milieu d’un champ. C’est totalement gratuit, bienveillant et familial. Non vous ne rêvez pas, ces îlots de liberté existent encore ! La recette : du tout-gratuit, des rampes de skates faites maison, des scènes musicales avec une prog’ inattendue, des stands de restauration généreux, et une certaine idée du vivre ensemble.

Direction Rabastens pour une interview avec deux piliers de l’asso : Luc et Max.

Pouvez-vous nous parler de « l’avant-Rabastock » ? Quel était le contexte ?

Luc : Wow, ça remonte ! C’était il y a 18 ans…

Max : On avait un pote en commun du nom de Max. Avec beaucoup de fils d’agriculteurs, on se retrouvait dans de grands hangars. Ils squattaient et répétaient avec leur groupe de musique. Mais pour se produire, il n’y avait rien. Alors, ils organisaient eux-mêmes des concerts dans de grands vergers. Avant de monter l’asso, ils avaient déjà fait deux concerts…

L : La génératrice était directement branchée sur des prises de force de tracteur ! Tu vois le délire… Destroy ! Le nom de leur groupe c’était ODD Hangover. On était tous de la même génération. C’était ça ou rien.

M: Avant la toute première édition de 2006, c’était vraiment le désert…

Comment se passaient les réunions ?

M: C’était la guerre. On était censés être 15. La plupart du temps on était 3 ! Max a tenu la baraque…

L: L’objectif, c’était de toujours faire mieux.

M: Surtout qu’on partait de zéro. On se servait des erreurs des années précédentes pour progresser…

L: Dès la 3e année, on a commencé à développer le côté restauration. Le bar pareil. Nous avec l’asso Astuss, on arrive à peu près à ce moment-là pour ramener l’aspect skate. On avait fait des rampes avec du parquet… et bien failli foutre le feu au champ avec le disqueuse ! Mine de rien, de plus en plus de gens venaient au concert. Genre 400 personnes. Pour nous c’était énorme !

Et en 2010, vous accueillez près de 8000 personnes sur le week-end ! Qu’est ce qui s’est passé pour exploser la jauge à ce point en si peu de temps ?

M: Les gens se sont passés le mot. On a même arrêté de communiquer ! On ne pouvait pas accueillir plus. Mais le grand changement c’est en 2013, quand le père d’un pote nous propose d’utiliser son champ.

De nous poser gratuitement et de façon pérenne, pour organiser sur place tous les ans. On a pu investir et fabriquer des structures qui pouvaient rester sur site. On s’est développé comme ça jusqu’en 2019.

L: Le problème c’est que les structures n’étaient pas aux normes. On a du tout détruire. Donc pas d’édition 2019… Et après… c’était le COVID !

M: En fait le Maire était ok pour nous subventionner, à condition que l’on se mette aux normes. Mais c’était trop compliqué.

L: Ce qu’il faut dire, c’est que pendant des années, tout était au nom de Max. Alors qu’on était en mode free total… Et il a pris tous les risques en prenant la responsabilité sur son dos. Il était dans un truc inconditionnel, tout ça sans faire le chef. On lui doit beaucoup. Une orga ne tient vraiment pas à grand chose… Car quand il s’est retiré, on s’est un peu retrouvés comme des cons !

Vous êtes dans un mode de fonctionnement collégial ?

L: Exact ! On a un peu vieilli, on réfléchit plus aux choses (Rires).

Ce qui fait la particularité du Rabastock, c’est la gratuité. Malgré le succès du festival, vous vous êtes toujours acharnés à refuser toute entrée payante. Vous pouvez nous en parler ?

Quels sont les principes de bases du Rabastock ?

M: L’accessibilité à tous. Le fait de fonctionner à prix coûtant. De faire les choses soi-même.

L: On revendique ce truc de grande fête populaire où les gens se mélangent. Avec plusieurs générations, des skateurs, des rugbymans… C’est la vie normale. On doit vivre ensemble même si on est différents. C’est aussi une des réalités de la campagne.

M: Et pour ça, la bouffe est centrale. Ça rassemble énormément. Notre armée de cuisiniers a fait ses preuves. Tout Rabastens vient manger ! Peu importe la prog. On voit les papys, on voit tout le monde ! Ils ne restent pas forcément aux concerts, mais au moins ils passent !

L: Mon voisin a 70 ans. Il n’a rien à voir avec nous. Mais il a fini par venir cette année ! Il m’a dit: « C’était bien mais… il y avaient des gens incroyables ! Des garçons habillés en fille, des filles seins nus… Je pensais que ça n’existait plus depuis les hippies !! C’était super !». Il a halluciné mais il a trouvé ça cool ! Le mec est sorti de chez lui et il a kiffé. C’est ça qu’on veut.

Vous avez déjà pensé à arrêter ? Qu’est ce qui vous a motivé à revenir pour organiser une nouvelle édition en 2021 ?

L: Arrêter, c’est aussi détruire du lien. C’est le ciment de notre bande de potes. Boire des bières, ce n’est pas suffisant. On veut faire des choses ensemble, relever ce gros challenge ! On est dans l’action. Alors si il n’y pas plus ça…

M: C’est comme un groupe de musique ! Sauf qu’on a qu’un seul concert dans l’année (Rires). Le Rabastock c’est un truc central dans ma vie. J’en ai fait mon métier. J’ai monté des toilettes sèches et j’ai fini régisseur.

L: C’est beaucoup de taf, mais c’est carrément jouable. De toute façon on est tous seuls ici! On y va et on s’en fout. On est totalement décomplexés.

M: Pour que cela soit drôle, on s’oblige à être plus sérieux. À faire les choses bien.

Sur l’aspect skate, vous aviez un exemple en tête ? C’est assez inhabituel de fabriquer ses propres rampes sur un festival de musique !

On a pas trop parlé de la prog ! Comment choisissez-vous les groupes ?


M: Cela n’a jamais cessé d’évoluer. Au départ on décidait tous ensemble. Mais c’était l’enfer. En plus on a des goûts de chiotte !

L: J’avais pris l’habitude de programmer sur la scène skate. Et on a fini par dédier la prog de la grande scène à moins de personnes. Il faut faire confiance ! Mais cela bougeait tout le temps. Pour l’esprit de la prog, j’ai une vision simple : les grands festivals programment tous plus ou moins la même chose. Au Rabastock le festival est gratuit ! Alors créons de la surprise sans pour autant tomber dans l’expérimental. En gros : on veut faire venir des groupes surprenants qui restent fédérateurs. Des groupes incroyables existent, il faut saisir cette opportunité.

M: Sans oublier la contrainte budgétaire ! (Rires)

L: Cette année : 3500€ de prog’ pour 20 groupes ! Qui dit mieux ?

Vous nous racontez une anecdote qui vous a marqué sur le festival ?

M: Ah oui ! Le meilleur objet trouvé : un fauteuil roulant électrique ! Dans un fossé !

L: Ça vaut une blinde et c’est hyper lourd !

M: Le gars a mis plus d’une semaine à nous contacter pour le récupérer. En fait, il venait avec de Rabastens. Il était bourré et ses potes l’ont ramené en fin de soirée. Laissant le fauteuil sur place…

L: Ah oui et 2016 : l’année de l’orage ! Les concerts avaient eu lieu quand même après une apocalypse de malade. Les gens pensaient rentrer chez eux, et ils se sont quand même tapés les concerts dans des litres de boue !

Comment voyez-vous l’avenir du festival ? Vous voulez grossir ?

M: Non ! 8000 sur le week-end c’est le max. On ne veut absolument pas grandir. C’est très bien comme ça… !