PUNK AGAINST CAPITALISM
Radical, engagé, et sans concessions, le « Punk Against Capitalism » est particulièrement représentatif de l’esprit des concerts DIY en Grèce : issu du milieu des squats, indissociable des idées du mouvement anarchiste, et proche des cercles autonomes et anti-autoritaires.
L’organisation est plus que jamais active malgré la répression féroce touchant actuellement la scène.Le collectif ne répond pas au interviews, mais fait exception à la règle pour l’équipe de Karton ! Les réponses ont été écrites en réunion.
Prochaine édition à Athènes, au début du mois de septembre 2025 !
| Par Polka B. & traduit par Oihane


Pouvez-vous nous présenter Punk Against Capitalism ? Depuis quand le collectif existe, pourquoi et comment l’avez-vous créé ?
Punk Against Capitalism en tant que festival a été mis en place il y a 5 ans par certains membres de l’Initiative Anarcho-Syndicaliste du nom de “Rocinante”. En 2023, le festival a décidé de devenir indépendant et a continué son chemin en tant que groupe autogéré avec la participation de personnes issu.es de différentes associations et de différents parcours.
Notre objectif commun est l’organisation d’un concert autogéré principal qui serait mené par des valeurs de la solidarité, d’entraide ainsi que la participation à la lutte contre la réalité capitaliste et la culture de la commercialisation. En tant que groupe de musique autogéré, nous ne voyons pas le festival et les autres actions seulement comme un “divertissement alternatif” mais comme une forme de politisation, de socialisation et de radicalisation.
« Basé sur l’éthique du DIY, nous souhaitons briser l’écart entre artiste, audience et événement. De plus, en tant que communauté on veut construire la scène punk dont on rêve actuellement. Avec des espaces “safe” et gratuits, accessibles et inclusifs pour tous. Le festival n’est pas une fin en soi mais plutôt une cristallisation de la société et des relations que l’on veut mettre en œuvre.»

La scène musicale alternative grecque est particulièrement riche. Pouvez-vous nous expliquer la spécificité de la scène punk locale ? Quelles sont les esthétiques punk qui s’y sont le plus développées ?
L’une des principales caractéristiques de la scène punk est sa politisation intense. Plus généralement, le punk en Grèce s’est associé aux mouvements plus larges anticapitalistes/squats et ses dynamiques dont les motions sont une ramification des mouvements domestiques et socio-politiques.
Le punk grec en tant que musique est une expression de différents mouvements qui se dressent en solidarité avec des luttes sociales (prix du tribunal, prix de la santé etc).
La scène punk DIY d’Athènes semble avoir été particulièrement influencée par les concerts de groupes étrangers de passage (on pense par exemple au concert de Tragedy à l’université Polytechnique en 2009). La scène locale se nourrit-elle aussi de cette ouverture à l’international?
Cette ouverture à l’international a surtout été rendue possible par les organisations sur place. La scène ne peut pas être jugée sur des événements si ponctuels. Elle est le résultat du chemin qu’elle a suivi. Il y a certainement eu (et il y aura) de grandes performances qui ont laissé (et laisserons) une trace musicale sur les scènes internationales et locales, mais ce qui apporte à la scène punk autogérée c’est la communauté en elle-même. Ses valeurs et les liens forts qui grandissent en son sein.


Pourquoi les organisations de concerts DIY sont-elles si bien gérées en Grèce ?
Une raison importante qui incite les groupes étrangers à venir en Grèce se trouve être le support massif et pratique de la scène qui entoure les nombreux concerts. En plus de la présence d’un réseau solide entre tous les groupes de musique autogérés de chaque ville.
Cela permet aux groupes de jouer dans tout le pays de manières directe sans avoir besoin d’agents, d’organisations, etc.
Cet aspect de concert “illégal” de grande ampleur, installé dans l’espace public a longtemps été le marqueur des organisations de concerts DIY en Grèce.
Aujourd’hui, les concerts en extérieur sont en danger (y compris dans les universités), menacés par la répression des autorités. Quel a été le déclencheur de cette répression ? Depuis quelle année est-il particulièrement difficile d’organiser en dehors des clubs, et dans de bonnes conditions?
L’attaque du grand capital et celle de l’État à l’encontre des événements autogérés et gratuits n’a rien de nouveau. En revanche, ces dernières années, la répression d’État s’est intensifiée sur tous les plans. En particulier sur tout ce qui échappe et perturbe le narratif des normes du capitalisme.
C’est pour cette raison que coordonner la lutte pour la réappropriation des espaces publics et gratuits doit donner une réponse concrète aux aspirations et pratiques du capital.
« Ne laissons pas les parcs, les places et les universités devenir des lieux stériles où uniquement les marionnettes des mégas-établissements auraient leur place. Tout ce qui fait la promotion du divertissement alternatif apolitique.»


Dans le cadre de l’organisation de votre festival, comment avez-vous fait évoluer les réalités logistiques de l’événement face à ce contexte? Peut-on parler de résistance ?
Pour l’organisation du festival de cette année, on a dû faire face à la réalité énoncée ci-dessus. Un grand nombre d’obstacles ainsi que des problèmes sans précédents se sont présentés.
Notre but était d’assurer le caractère DIY et l’éthique du festival, c’est à dire, sur les lieux: une entrée à prix libre et l’absence du salaire capitaliste lié au travail. Cette mise en place a permis de ne pas compromettre le statut politique du festival qui met en valeur la participation et la radicalisation de chacun.
Sur le plan de la résistance, le fait que le festival ait gardé son caractère autogéré est une preuve de son engagement dans une résistance qui prends en compte et critique ses propres contradictions.
En revanche, dans le contexte dans lequel nous vivons, notre manière de pratiquer cette résistance doit être directe et collective. Pendant le premier jour du festival, une discussion ouverte fut organisée à propos de la situation actuelle et comment nous pouvons répondre à l’attaque massive du capital. Lors de la discussion, des expériences ont été partagées par des personnes venant de partout en Grèce. Des liens furent crées. C’est aussi un des piliers de la contre-attaque de notre collectif.
Une des particularités de Punk Against Capitalism, c’est de faire venir des groupes professionnels européens qui demandent un cachet, et qui pour la plupart viennent par avion (ZSK, Stage Bottles…). Comment faites-vous pour rembourser l’ensemble des frais, sans entrée payante “fixe” ?
En effet le prix du festival principal en septembre est élevé. Ces coûts sont couverts par une aide financière que les concerts autogérés organisés durant l’année ont rapporté (boîte de don, bar, merch, etc).
L’objectif du festival est d’assurer son attachement à la classe ouvrière. Le festival brise la séparation entre les artistes, l’audience et l’organisation, il reconnaît aussi les groupes en tant que membres de sa classe. C’est pour cette raison que l’on évite toute relation salariale avec les groupes. En revanche il couvre volontiers toutes les dépenses nécessaires (hébergement, transports, congés). De cette manière, les groupes qui ont des restrictions financières peuvent également participer.
Quels sont les objectifs de Punk Against Capitalism dans les années à venir ?
Dans la première phase: continuer son chemin en maintenant son éthique DIY basée uniquement sur sa communauté.
Ensuite, poursuivre son développement en faisant partie de la contre-culture libertaire au sens large. En même temps, l’auto-critique est un véritable outil pour nous. Sans elle, Punk Against Capitalism perdrait son contact avec la réalité sociale.
De plus, nous voulons intensifier la lutte pour les espaces publiques et gratuits et davantage se rassembler (en qualité et en quantité) autour de valeurs qui correspondent avec les groupes de musiques autogéré sans exploitation.
