KING KONG MEUF
(Punk Grrr, Montreuil)
King Kong Meuf c’est une chanteuse (BeBe), une bassiste (Jack), une batteuse (Didi) et un guitariste (Sofiane). C’est surtout une énorme déflagration venue de Montreuil qui t’explose à la gueule, avec des titres puissants sonnant comme des cris de fureur (BB l’Trophé, C Deg, Kass1Tete, F.T.G. (les punks), Privilèges, PanikABord…). Et franchement, ce joyeux bordel fait du bien à tout le monde. Sur scène, les « KKM » se font plaisir, se foutent des codes et dépoussièrent une scène vieillissante, très (et beaucoup trop) masculine, toujours nostalgique d’un soi-disant « bon vieux temps ».
La nouvelle scène est prête à tout niquer, sans regarder dans le rétro, ni s’excuser d’être là. >> LETS GO !
| Propos recueillis par Polka B.
Photos : @harshivvv @crade_ @freshashin @aled.jpg @rmonsieurjemy @artof_joy @pascal.de.paris.fotos
Vous avez fait votre premier concert très jeunes ! Avant cela, comment avez-vous commencé à fréquenter les concerts punk à Montreuil ?
BeBe : Moi c’était via mes parents, en particulier mon père. De toute façon Montreuil c’est minuscule. Tu connais vite tout le monde, car les parents se fréquentent et leurs enfants se connaissent aussi. On se retrouve très vite dans les mêmes salles de concerts car il n’y en a pas beaucoup !
Didi : Perso je ne suis pas de Montreuil. C’est depuis qu’on s’est rencontrées que je vais dans les concerts punk.
Jack : Le mercredi, j’allais aux jams de La Comédia (ancienne salle de concert de Montreuil, NDLR). Surtout pour jouer. J’ai vu les affiches de concerts là-bas et j’y suis allée !
Après votre rencontre, qu’est ce qui vous a poussé à créer King Kong Meuf ? Car il n’y a quasiment pas de groupes aussi jeunes en activité, et encore moins de meufs !
BeBe : Moi j’en avais ras-le-cul d’aller au mêmes concerts, de voir les mêmes groupes et les mêmes sets à chaque fois. Des mecs qui n’arrivent même pas à finir car ils sont trop bourrés et qui se mettent à vomir sur la batterie. Ça me faisait chier. Si personne n’essaie de faire un peu autre chose, et bah moi, perso j’étais chaud ! Je ne sais rien faire de particulier, mais c’est pas grave.
Jack : Moi c’est grâce à toi ! Je savais que je voulais faire un projet musical. C’est quand je t’ai rencontrée qu’on à commencer à parler de ça. Ça m’a chauffé. On ne voulait pas forcément faire quelque chose « entre meufs ». Ce n’était pas l’idée de base. Ça s’est fait naturellement.
Didi : C’est ça. On fait de la musique entre copines, tout simplement. C’est ce que j’ai toujours fait, même avant King Kong Meuf.
Que vous a apporté ce lieu, La Comédia ? Sachant que c’est un endroit qui n’était pas réputé « safe », en particulier pour les meufs ?
Jack : On s’est toustes rencontré.e.s là-bas. C’était un peu notre point de ralliement, « faute de mieux ». Mais on voyait bien qu’il y avait beaucoup de problèmes, des trucs malaisants…
BeBe : C’était un peu la facilité aussi. C’était tout le temps ouvert, il y avait tout le temps des concerts… Quand on a eu l’opportunité de faire notre premier concert là-bas, on s’est beaucoup questionnées.
On a failli dire non, et en fait on s’est dit… « bah si, justement » ! Certes c’était un concert de 15 minutes… Mais au moins on a pas fermé notre bouche par rapport à ce qui se passait là-bas !
Qu’est ce qui était problématique ?
Jack : C’était un peu le lieu de rencontre de tous les vieux punks du coin. Et clairement être une jeune meuf et traîner là-bas… c’est compliqué. Tu ne passes pas inaperçu. Tout le monde veut te parler à un moment ou un autre.
Il y avait des gens chouettes, mais pour d’autres, quand l’alcool prend le dessus… franchement ça craint ! Il vaut mieux partir avant une certaine heure !
BeBe : C’est clair. Il y avait beaucoup de vieux pointeurs… L’équipe du lieu protégeait ces agissements et tout ce qui se passait là-bas…
On sent vraiment cette rage dans les paroles du titre « BB l’Trophée »…
Didi : Et c’est surtout quand tu viens seule, ou pas accompagnée… Quand tu débarques entourée avec d’autres gens plus âgés cela ne se passe pas du tout pareil.
BeBe : « Oh mais tu as bien grandi », « tu es une femme maintenant… », « Ohh tu as 16 ans ? », « tu dis pas bonjour à tonton ? ». Et il y a ce truc relou, comme si on devait être éduquées sur le « vrai punk », ce genre de trucs…
Jack : Même quand ça avait l’air bienveillant et que ça parlait musique, on finissait toujours par se faire payer des verres par des mecs vraiment (vraiment) plus âgés que nous…
Pourquoi avoir choisi le nom King Kong Meuf ?
Didi : On a découvert Virgine Despentes avec Apocalypse bébé et King Kong Theory… ça a été une claque. « King Kong Meuf » c’était une chanson à la base. Et Jack a proposé qu’on s’appelle comme ça.
Ce qu’il faut dire, c’est qu’on n’est pas fans absolues de Despentes. Elle n’a pas écrit que des bangers non plus !
Jack : C’est un peu une coïncidence. On s’est reconnues dans ces bouquins à ce moment là, mais on continuera d’évoluer comme on le veut.
Vous avez rapidement enchaîné les concerts en 2022… On dirait que vous avez très vite trouvé votre public sur Paris !
Jack : On nous a très vite proposé de faire d’autres concerts, c’est vrai. On a démarché de notre côté aussi.
BeBe : il y a eu le Cirque Électrique, l’International, l’ESP’asse, les Murs à Pêche à Montreuil, le Cri du Singe…
Et vous êtes parties jouer à Lille !
BeBe : Et c’était trop cool.
Jack : On avait des connaissances sur place. C’était à l’Université Lille 3 occupée.
BeBe : Le cercle parisien, tu en fais très vite le tour. C’est une espèce de secte, avec un côté vachement hypocrite où tout le monde se fréquente tout en se crachant à la gueule. On voulait découvrir d’autres gens et vivre d’autres trucs.
L’aspect show de King Kong Meuf semble important pour vous. Le maquillage, les costumes, l’attitude, les baguettes de batterie enflammées… Pourquoi avoir intégré ces éléments dans vos live?
Didi : Il faut demander à la circassienne ! (Rires)
BeBe : Allez… (Rires) Perso je suis allée voir beaucoup de concerts, et je trouve ça dommage de juste regarder des gens qui jouent de leur instrument. Je ne voulais pas qu’on s’arrête à ça. Venez on fait de la perf ! Un spectacle ! Alors on s’est dit : « et si on enflammait les baguettes ? ».
On kiffe se mettre du faux sang partout aussi. Ça crade tout, on en met sur les gens, on aime ça ! Et puis ça colle à nos paroles, on parle de vomi, de trucs sales…
Vous avez fait une trentaine de concerts, mais vous avez assez peu de morceaux enregistrés en ligne. Comment ça se fait ?
Didi : Le truc c’est qu’on nous a proposé très vite beaucoup de concerts, et qu’on avait envie de jouer ! On n’allait pas répondre qu’on avait trop peu de morceaux enregistrés pour pouvoir les faire. Personnellement je ne prend pas beaucoup de plaisir à enregistrer. On voulait surtout vivre le truc.
Jack : On ne connaissait personne pour nous enregistrer aussi… Disons que ce n’était pas notre priorité.
Ce n’est pas donné à tout le monde d’être programmée un peu partout aussi vite. À quoi c’est dû selon vous ?
BeBe : On se pose la même question. J’ai l’impression qu’il y a eu un gros bouche-à-oreille. Tout s’est vite enchaîné. On était motivées, disponibles, et on ne refusait aucune date.
De mon point de vue, les photos de vos concerts ont pas mal circulé. L’énergie qui s’en dégage est assez folle (notamment celles de Harshivvv). Loin de Paris, on voyait passer ces photos de communion avec le public et cela donnait vraiment envie d’aller au concert, même sans jamais vous avoir vu en live!! C’est quelque chose que vous aviez pensé en amont ?
Jack : On a carrément de la chance de connaître Harshivvv ! On est proches de base. Elle était là à tous les concerts. Grâce à elle, la comm’ se faisait toute seule !
BeBe : Elle sait capter l’énergie qu’il y a dans la salle. On aime trop son taf. C’est notre bébé d’amour.
Que représente pour vous le projet 2 titres TroP TARD KoNNARD que vous venez de sortir ?
Didi : Il fallait qu’on se bouge pour sortir des trucs. Ces deux titres se démarquaient des autres. Ils allaient bien ensemble.
Jack : C’était un peu nos deux morceaux « prioritaires ».
En attendant l’album!
Jack : Alors… l’album, on y pense oui ! Mais on met tellement de temps à enregistrer…
Didi : On avait juste « Apocalypse BB » à présenter jusque-là ! Et le morceau n’était pas très énervé… C’est important d’avoir quelque chose de cool à faire écouter !
Mais sur scène vous jouez une heure ! Vous avez beaucoup de morceaux en réalité. Pour vous, le live est-il encore un moyen de tester des choses, et de voir les réactions du public ?
Jack : C’est juste qu’on ne prend pas le temps d’enregistrer.
Didi : C’est la fast life !
BeBe : Et puis, on a jamais eu ce truc de bien bosser des chansons avant de les jouer en live. On a toujours balancé direct sur scène, et même si c’est un carnage, on a appris à se rattraper. Et ça c’est trop bien.
C’est vraiment ce que l’on ressent en concert. Vous vous éclatez sur scène, et c’est l’énergie qui prime.
BeBe : Quand on regarde les vidéos de nos gueules en train de se planter on est mortes de rire. (Rires)
Didi : Poker face !
Que représente King Kong Meuf dans vos vies respectives ? Vous vous projetez dans l’avenir ?
Jack : On pourrait avoir l’impression qu’on ne se projette pas, mais en fait c’est ce qu’on fait ! L’année prochaine par exemple, on voudrait faire une tournée au Chili…
BeBe : Pour moi, quand tu veux un truc, tu fais en sorte de pouvoir le faire. On aime jouer ensemble, c’est ce qui nous porte.
Jack : Si un jour le groupe doit s’arrêter, cela se fera tout seul. Avoir des projets dans le futur, c’est ce qui détermine le temps de vie du projet.
BeBe : On va la faire cette tournée au Chili !
Vous écoutez quoi en ce moment ? Vous nous donnez une petite playlist ?
Nathy Peluso – MAFIOSA
EP2F – Mon Flow
Sexy Sushi – Rien a foutre
Jack Uzi – Uzi Drill 10
Amyl and the sniffers – GFY
Trholz – Marie-Madeleine
Jul – Italia
Irracible – Comment ?!
Les Béru – Rebelles
Rita Mitsouko – Mandolino City
Collision – La Guarda Alta
Utopie – Ville Fantôme (The Specials)
Vous voulez ajouter quelque chose ?
Jack : Oui ! On voudrait dire un truc. On est un groupe de meuf qui joue du punk. Du coup, les gens disent qu’on fait du « punk féministe ». Alors, c’est vrai qu’on a une expérience de meuf, et que plus ou moins directement, cela devient une expérience féministe. Mais ce n’est pas la seule chose qui nous représente.
Didi : Nos textes sont féministes, mais on parle de plein d’autres sujets. C’est chiant d’être mis direct dans la case « Punk Grrrl ». Ce sont les autres qui l’ont décrété. On a rien demandé. Ce n’est pas un souci en soi, mais te ramener sans arrêt à ça…
BeBe : Par exemple, le fait que l’on reprenne une chanson de NTM, c’est « censé » être un problème… Mais on fait ce qu’on veut. L’appellation « féministe », dans certains cas, c’est vendeur. Et puis bon, il faut voir certaines interviews… c’est genre : « Alors ça vous fait quoi d’être des meufs… ? Parce que quand même, vous êtes des meufs quoi ! » Didi fait très bien l’imitation… (Rires)