Graffiti: © VINCI – Black Lines 2024
HOMMAGE
JULIEN « RANX » TERZICS
Ce texte a été écrit par Mateo, chanteur de Brigada Flores Magon, et lu aux obsèques de Julien, le 11 juillet 2024, au cimetière du Père Lachaise, à Paris, XX arrondissement.
Vieux frère, tu auras finalement réussi à me faire monter sur une scène sobre….
Si ce n’était pour parler de toi quelques jours après ta mort, on aurait pu en rigoler.
Ce soir du 1er juillet, la nuit est tombée sur nos cœurs. De Buenos Aires à Naples en passant par Marseille, bien-sûr Paris, encore plus Nantes, des milliers de gens, jeunes et moins jeunes, ont ressenti un vide avec lequel ils vont devoir apprendre à vivre. Pour ma part, à Toulouse, j’ai su qu’une partie de moi s’était déchirée à jamais.
Ces derniers jours, comme chacun d’entre vous, j’ai été assailli par les souvenirs.
De la première fois où je t’ai rencontré, sur le parvis de l’université Léonard de Vinci, à la Défense, en 1995, où tu as essayé de passer une ligne de CRS à toi tout seul, à la dernière fois où nous avons été ensemble sur scène avec Brigada près de Bordeaux, que d’aventures.
Déjà en 1995, tu étais de ces humains qu’on fait passer pour un golem. Tu avais, la décennie précédente, avec l’aide de quelques jeunes gens courageux, refusé la violence, la bêtise et la haine qui terrorisaient les rues de Paris. Tu t’étais investi physiquement, avec rigueur et intelligence. Tu étais un Red Warrior. Des générations de punks et de skinheads t’en remercient encore. J’en fait partie.
Quelques années plus tard, tu as continué à organiser ta révolte, aux côtés d’autres jeunes gens aussi courageux, pour développer les idées anarcho-syndicalistes à Paris, au sein de la CNT, et partout où tu voyageais.
Là encore avec rigueur et intelligence, tu as foncé dans cette aventure.
Tu as réussi à intégrer dans un cadre syndical toute une pléiade de jeunes en marge qui n’attendait que ça. Ils sont devenus des travailleurs conscients et combatifs contre les menaces patronales. Contre le capitalisme.
Et puis, depuis 1997, il y avait la Brigada Flores Magon. Tu as été le seul qui tout ce temps, vingt-sept années, a tenu la barre de ce groupe, à mes côtés. Tu as d’abord su transformer ce délire d’adolescents à la rage acérée mais au talent incertain en un véritable groupe de musique.
Tu as tenu bon dans toutes les tempêtes que nous avons traversées. De la scène du Villagio Globale à Rome, devant 5000 personnes, au centre de rétention de l’aéroport de Mexico. Dans les très hauts et les très bas.
De toutes ces années, j’ai appris de toi qu’il ne fallait jamais baisser la tête, devant qui que ce soit. J’ai appris l’empathie, j’ai appris qu’il fallait réserver sa colère à ses vrais ennemis. J’ai appris à pardonner les erreurs des autres et à comprendre les miennes. Je t’ai dis que je t’aimais mais je ne t’ai jamais dit merci. Merci Julien.
Quand tu as ouvert le Saint-Sauveur, dans ce quartier alors populaire de Ménilmontant, tu as voulu en faire un espace de liberté, d’acceptation et de différences. Tu as réussi. Ce bar est devenu mythique dans le monde entier.
Et je sais aussi que quand tu as créé le Black Bloc MC, tu l’as fait dans le même esprit. Parce que la moto était une de tes passions et parce que personne ne pouvait t’empêcher de vivre une aventure. Tu t’es confronté à d’autres humains qui n’avaient pas forcément tes idées mais qui ont appris à te respecter, toi et tes idées.
Tu n’étais pas un chef, tu étais un leader. Un homme sincère et sensible qui plaçait haut dans son cœur la notion d’amitié. Un être plein d’empathie dont l’intelligence humaine était remarquable.
Depuis la semaine dernière, affluent les témoignages sur tes aventures, sur ce que tu as représenté pour des milliers de gens à travers le monde.
Depuis ce 1er juillet nous devons vivre avec le vide de ton départ mais nous continuons à te serrer sur notre cœur.