Paisible commune de 417 habitants en plein cœur des Pyrénées-Atlantiques françaises, Gurs se situe à deux pas de la mégalopole d’Oloron-Sainte-Marie et de la citadelle de Pau. Mais pour qu’un groupe de punk fasse le choix de s’appeler ainsi c’est avant tout une question d’Histoire… Créé en 1939, le camp de Gurs était un camp d’enfermement pour les républicains espagnols et autres militants antifascistes durant la guerre civile. Durant le régime de Vichy ce dernier deviendra un camp de concentration annexe au régime Nazi.
C’est donc en mémoire au lourd passé historique local et aux horreurs politiquement cautionnées que le quatuor Basque GURS sort son premier album Gerran Bizi Gara (Nous vivons en guerre), un hymne à la mémoire de nos combats, à une lutte des classes obstinée et un appel désespéré à l’espoir.
| Par NinoFutur
Autoproclamé comme « la fusion dysfonctionnelle de quatre amis », Gurs vient de Bilbao et propose depuis 2021 un punk rauque et attristé, résultat d’une fusion entre un street-punk rugueux et le post-punk le plus poisseux et caverneux qu’il soit. Quelque chose qui se fait beaucoup actuellement dans notre microcosme DIY entends-je ? Oui, mais Gurs ne se contente pas seulement de suivre la tendance. Alternant entre chant basque et castillan, Gerran Bizi Gara est un condensé rapide, honnête et nécessaire de tout ce qu’il faut pour un disque de punk catchy. Urgence hardcore, sing-along street-punk et mélodies en tunnels de cold-wave… difficile de ne pas se faire happer par au moins un des 8 courts bangers qui composent l’album.
De son ouverture sur le désespérément nihiliste « No retorno » (sans retour) dépeignant une humanité livide et consumériste réduite à un amas de chair d’os et d’anxiété (« CARNE, HUESOS Y ANSIEDAD ! » est-il beuglé) vouée à se noyer lentement dans les boyaux de nos centres urbains abreuvés par un libéralisme autophage.
Hymne de lutte ouvrière, « Volveran » (Reviendront) et son refrain martial provoquent une explosion de sérotonine garantie à chaque écoute.
Avec en trame de fond de nombreux questionnements autour de la lutte des classes et des l’exploitation de nos vies urbaines planant sur tout l’album, « Gerran Bizi Gara » ne ment pas. Nous vivons en guerre. La chair de nos corps sont sacrifiés pour un capital abrutissant et annihilant. Nos corps fatigués luttent comme ils peuvent pour raviver les étincelles. Les trottoirs, les allées de béton grises nous digèrent chaque jour un peu plus : « des montagnes de plastique et ciment, ces accumulation de nos tristesses » (« Eder ta Hutsa »)
Album de spleen à l’ombre de toutes boules à facettes, on peut reconnaître l’influence évidente de nos brestois de Syndrome 81 (S/O Karton #9) sur « Bihotz-nekea » (chagrin) , tant dans l’approche musicale que dans le texte, mais également la vivacité mélodique des californiens de Generacion Suicida que la froideur aiguisée de nos hellènes de chez Chain Cult.
Se terminant sur un morceau plus punk, à propos d’aurevoirs difficiles à accepter, Gurs donne une bonne fois pour toute la couleur de son effort : noir c’est noir.
Produit au studio corsario de Donostia, et avec un sublime artwork signé Aritz Aranburu ayant également travaillé avec leurs semblables Euskal-Herriens malheureusement trop oubliés d’Arrotzak (à écouter d’office si tu te reconnais dans la caste des amateurs de punk froid).
Gurs est un groupe de plus ajoutant une solide pierre à l’édifice (déjà fort solide) au punk basque. A la fois mélancolique, guerrier et politique.
Façonnant une grande commémoration commune d’un passé de lutte et d’antifascisme, Gurs tant par son nom que sa démarche, tente de dépoussiérer et remettre en forme une mentalité combative bien que désillusionnée à travers un disque aussi froid que réchauffant. Entre exploitation de la classe ouvrière, défiguration de nos villes, mensonges d’état et corruption parlementaire… Gerran Bizi Gara est un rappel à la réalité aussi dur que nécessaire ravivant aussi bien nos heures les plus sombres que les flammes de demain.