Crippled Fox

Quand on pense Hongrie et scène DIY on pense directement à Crippled Fox, groupe de trash metal – crossover ayant fait ses marques à l’échelle européenne et internationale ! On part en direction de Budapest pour une interview en compagnie des trois loustics.
| Par Nino Futur / Trad : Nino Futur

Salut l’équipe ! Comment se structure la scène punk dans un pays comme la Hongrie, ainsi que la scène DIY ?


Speedy Gonzales
 : Hey ! Merci à toi. Tout d’abord, il y a toujours des groupes de chez nous qui se bougent en Europe. Tu as des groupes comme Human Error, JACK, ou mon ancien groupe Motivation pour n’en citer que quelques uns. Ces groupes ont joués dans d’assez gros festivals et se sont pas mal bougé à l’étranger, tout en sortant des disques etc. Mais c’est vrai que nous avons été plus loin : on a traversé les océans pour tourner aux US et au Brésil, nous avons fait l’Europe plusieurs fois tout en évitant de jouer uniquement dans les plus grandes villes.

Le Do It Yourself est selon moi la clé de notre scène. Dès les débuts du groupe nous étions dans cette optique de sortir nos propres disques et redoubler d’effort pour les faire entendre. Nous avons pris du plaisir là dedans. Nous n’attendions aucune offre de personne, c’est pourquoi j’ai lancé mon label Flipped Up Records, via lequel j’ai eu de bonnes connexions. Des labels étrangers nous ont contactés sur Myspace par la suite et les tournées ont commencé à s’enclencher. Depuis, nous ne nous sommes pas arrêtés.

La scène D.I.Y Hongroise vit actuellement ses meilleures heures. De bonnes connections entre les villes, de nouveaux lieux qui ouvrent.

Je pense au BETON à Gyor, Terem à Veszprem, Vegallomas à Szombathely ou au Kripta à Budapest… en bref tu as plus d’opportunités pour jouer. Tu as également des festivals comme Like Hell Vill Fest ou encore le Beton fest. La scène se porte excellemment bien et je suis fier d’en être.


Fox of Grind : Tu as beaucoup de groupes Hongrois mais peu se bougent comme nous le faisons. Bien évidement le COVID a été une bonne douche froide pour les tournées. Pourtant, notre scène ne s’est jamais portée aussi bien. Il y a de nouveaux lieux, tu n’es donc plus obligé de jouer uniquement à Budapest, et tu as même du public ! Merci pour ça, et aux chiottes l’industrie musicale. DIY or die mon pote.

Comment vous est venu cette urgence de jouer aussi vite et pourquoi du crossover thrash ?

Speedy : Retour en 2008 : il y avait des compos qu’on ne pouvait pas jouer avec mon groupe de l’époque Motivation. J’ai donc décider de former un second groupe pour les jouer. J’ai contacté des amis dont Dontsee Turkey à la basse.

Le concept était de jouer la musique qu’on aime : punk, hardcore, thrash, le plus vite possible sans dépasser les une minute par morceaux le tout sous une attitude fun.
Tu peux appeler ça thrashcore/fastcore, machin-core…
On joue comme ça parce qu’on aime ça. Pour nous le hardcore doit être rapide.

Depuis 2008, quel place a pris le groupe dans vos vies ?

Speedy : Pour moi, le plus important dans tout ça, c’est de pouvoir voyager et me faire des amis partout autour du globe.
Et lorsque nous revenons jouer dans ces villes nous retrouvons ces personnes avec grande joie, c’est incroyable.

Dontsee : La famille du Fox est l’une des choses les plus importantes de ma vie. Tourner partout dans le monde est une des choses les plus incroyables quand tu as un groupe qui plus est vient d’Europe de l’est. Des amitiés, de longues histoires, des souvenirs aussi bons que mauvais soient-ils.


Quelle est la référence derrière votre nom « crippled fox » (traduisible par « Renard boiteux » ou « Renard amoché ») ?

Speedy : A l’école primaire, nous avions un exercice de gym appelé le « Crippled Fox ». Tu devais poser tes mains au sol, garder une seule jambe en l’air et essayer de te déplacer le plus longtemps possible de la sorte. Ça a l’air (et c’est) complètement ridicule en effet. Notre premier chanteur Willy Fox Da Vox était à un festival de hardcore en 2007, où tous ces petits gamins hardcore voulaient jouer les durs avec leurs chorégraphies du style coup de pieds aériens et éoliennes. Tu peux bien t’imaginer que quand il a commencé à faire des moves ridicules comme le « Crippled Fox , tout le monde a halluciné » (rires). C’était juste parfait ! 

Vous avez tourné aux US en 2019, dans l’imaginaire de beaucoup de groupes DIY tourner là bas est très éprouvant et destructeur économiquement, comment l’avez vous vécu, comment tout cela s’est-il rendu possible ?

Speedy : Nous avons tourné au Brésil en 2018 et l’expérience ne s’est pas pour le mieux passée, avec cette merde de soi-disant organisateur qui a tout ruiné. Cela dit, nous avons eu énormément de commentaires de support et des propositions plus fiables pour revenir au Brésil plus tard.
Une de ces personnes était un américain du nom de Gary de Rat Milk Collective. Gary est le chanteur de Common Enemy (un groupe  dans le style skatepunk/hardcore). Comme je les avais fait jouer à Budapest en 2010, ils nous ont proposé de jouer aux États-Unis.

Je vois très bien ce que tu veux dire par « éprouvant et destructeur économiquement », c’est ce qui m’a souvent été revenu de la part de groupes Européens. Mais Gary est un habitué des tournées Européennes et sait donc très bien comment les choses s’y passent. Nous n’avons pas perdu d’argent. Nous avons même couvert bien plus que nos frais ! Voilà pourquoi j’aime tant cette vie. Il y a des gens comme Gary qui sont de vrais potes et avec qui tu peux discuter régulièrement. Il joue désormais dans un groupe de fastcore : Worser et organise des shows en Pennsylvanie et Philadelphie.



J’aime le fait que vous soyez si-critiques envers la scène et son microcosme. Ce sont les années d’expérience qui parlent, ou ce sont des comportements et des apparences qui vous agacent depuis le début ?


Speedy :
Si tu parles du titre « I Was There », cela vient d’une interview. Tu trouveras toujours des vieux gars qui en savent plus que toi car ils « étaient là à l’époque ». A un certain degrés je suis ok, mais lorsque ça s’avère être une belle entourloupe et que le mec n’y capte rien car de fait… il n’était pas là à l’époque …! C’est plutôt gênant.

Notre titre « Contradictory » vient d’une autre chose qui m’ennuie. Ces gamins sur-lookés punk ou alors tout propres se revendiquant Hardcore kids tout de leur uniforme vêtu, qui n’en savent pas grand-chose et se font passer pour de grands connaisseurs. Ils traînent dans la scène pendant quelques années, puis disparaissent.

C’est le cycle de la scène qui se répète et c’est normal. Il faut quand même relativiser : ça fait partie de tous les milieux et c’est partout pareil.

Vos paroles ne transmettent pas un message forcément très politique, vous êtes plus dans une imagerie fun en mode « bandana thrash », vous n’avez jamais essayé de faire des textes plus politiques ou cela ne vous correspond pas ?

Speedy : En fait, nous avons écrit pas mal de texte avec un fond politique, social ou écologique, avec un fond important. Mais je te comprends, notre imagerie fun ne reflète pas vraiment ce côté, mais crois-moi, il existe.

En live on veut déconner et s’éclater, c’est cette facette là de nous que reflète la plupart de nos paroles. Mais un sujet sérieux peut également être abordé avec du fun…


Fox of Grind : J’ai joué dans les groupes Human Error et Diskobra qui portaient un message ouvertement anarchiste et je me sens toujours autant concerné par ce dernier, Crippled Fox n’a jamais été vraiment un groupe « politisé ». En 2009 la première fois que je les ai vus je suis devenu directement fan, ce que j’aimais c’était leur côté fun et détaché. L’idée est plus de questionner l’auditeur plutôt que lui donner une leçon : « es-tu frustré au travail ?  n’en as-tu pas marre de travailler pour la classe supérieure ? Ne penses-tu pas que on puisse faire mieux pour l’environnement ? Peux-tu agir comme un humain ? ».

Speedy : Avant notre véganisme, nous sommes très impliqués pour la cause animale et contre la pratique de la chasse. Si tu creuses un peu tu découvriras ce côté là dans nos textes. Notre premier chanteur Willy Fox Da Vox en parlait pas mal.

On sait que le climat politique en Hongrie n’est pas des plus cléments envers la gauche, comment se structure la scène punk antifasciste s’il y en a une, avez vous témoigné de certaines violences fascistes ?


Speedy : Selon moi, il y a bien des néo-nazis, mais ils ne font pas grand-chose… je suis sérieux ! Dans les 90’s,  la violence était quotidienne. Beaucoup de violences racistes, voire même de meurtres, il y avait énormément de violences dans les concerts mais je n’ai plus vu ça depuis 15 ans. Aujourd’hui lors de la Pride tu auras toujours quelques jeunes qui viendront faire les nazis et gueuler des insanités, mais personne ne les prends au sérieux. Ici, ce sont surtout des idiots et la plupart des gens se moquent d’eux. Les gens d’extrême droite s’organisent, se regroupent, essaient de faire de la politique mais ça s’arrête là.

Dontsee: Le climat politique Hongrois est loin d’être idéal, il est bordélique et respire la corruption. Le gouvernement joue le rôle des populistes avec un nationalisme de façade. Oui c’est embarrassant mais nous restons tout de même une démocratie.
Je ne pense pas que l’extrême droite soit si significative ici, tu trouveras ces cons partout.

Fox of Grind : Il y a quelques organisations antifascistes comme Autonómia, avec qui je suis en contact.

Le mouvement antifasciste Hongrois a longtemps été ralenti par des personnes improductives, mais depuis 2-3 ans les mouvements de gauche radicale semblent revenir en Europe de l’est.

Chaque mois de février il y a une marche nazie à Budapest en commémoration de la dernière bataille de la Wehrmacht, et il y a toujours une contre-manif très importante. En 2019 cela a crée de gros affrontements assez impressionnants. Avant, tu n’avais que 30 à 40 personnes qui venaient tenir tête aux nazis, mais le nombre n’a fait qu’augmenter et la confrontation est désormais possible. L’extrême droite est puissante en Hongrie, mais elle reste un chien sans crocs.

Vous avez pas mal traversé l’Europe et fait pas mal de festivals DIY quels sont pour vous les hotspots de la scène européenne (public, accueil, lieux) ?

Speedy : Oh ! Il y en a tellement. Allemagne, Belgique, France, Écosse, Slovaquie, République Tchèque… tellement de villes, de clubs… Nous avons donnés nos meilleurs concerts en Allemagne (à Leipzig notamment). Il y a le GO ! Fest à Rome organisé par notre ami Pompeo. Grind the nazi scum festival à Torgau… tant de lieux excellents.

Fox of Grind : La Grèce a la meilleure scène DIY de toute l’Europe, à côté d’eux nous ne sommes que des petits joueurs. Ce n’est pas tant les concerts là bas, mais les squats et leur façon de résoudre leurs problèmes de logements. Thessalonique est incroyable. Nous avons beaucoup à apprendre de ces gens. J’aime beaucoup Lyon en France également.


Le groupe le plus rapide qui ai existé et qui n’est pas vous ?

Fox of Grind : En terme de rapidité, en France vous semblez être experts en la matière. Tellement de grindcore vient de là bas. Les plus rapides sont Whoresnation, personne ne peut rivaliser avec eux.

Des groupes Hongrois à mettre en lumière ?

Speedy : Absolument ! Un de mes groupes local préféré est Unit-731, des jeunes qui jouent un raw punk simple et intense aux sonorités 80’s, ce genre de groupe nous manquait. Rien que de les voir, tu ressens la rage. Des groupes de Fastcore comme Another Way ou Haramia, ou un groupe de thrash punk appelé Step on it. Quelques groupes grind/punk cools comme JACK ou Apoptosis.

Tu as aussi des punks jouant du black metal comme Hajnalpir (mes préférés), Havaria ou Witchthrone pour en citer plus.

Fox of Grind : Paks 3 est un groupe de hardcore très cool. Norms, Berosszulas, Eszlélés… Je joue dans un groupe de jazz qui s’appelle Fixateure Externe, un groupe de grind qui s’appelle Retorsion, un autre qui s’appelle Amasunzu ainsi qu’un groupe de hardcore appelé The Coordinators. J’ai enregistré pour chacun de ces groupes cette année… Il y a aussi Unenslaved qui est du anarcho-rock assez cool. La scène ici est très cool et variée.

C’est tout pour moi, merci !

Speedy :
Merci beaucoup j’apprécie vraiment !