BXII
« Que la Salade » (2023)
(rap vegan nrv)
Le quintet BXII amène exactement ce qui manquait au rap estampillé « militant » en France. Une bonne dose d’humour, d’ironie et de second degré, le tout impeccablement emballé dans de jolis visuels. Un soin sur la présentation qui n’enlève rien à l’efficacité du message… Les vegans bombent le torse, les chasseurs en PLS !
| Par Polka B.
Vu que vous vous posez la question, BXII fait référence à la célèbre vitamine B12, pour laquelle les humains doivent se supplémenter soit par le biais de la consommation de produits animaux eux-mêmes, soit par le biais de compléments alimentaires pour les vegans.
BXII, c’est aussi le premier groupe de rap français à se constituer explicitement autour du véganisme et de l’antispécisme. Les textes du collectif traitent tant de la chasse que de l’élevage, tant de nutriments et de carences, que de convergence des luttes.
On y retrouve ainsi Djamhellvice (rappeur également actif au sein de la scène HxC, et beatmaker à ses heures sous le nom de Bolt Cut), L’1consolable (rappeur ayant aussi sévi dans le parkour), Res Turner (rappeur connu du grand public pour ses prestations au End of the Weak), et inénarrable Skalpel.
On en place une spéciale pour ce marathonien (pour ne pas dire old-timer) du rap engagé depuis ses débuts en 1997 avec la K-Bine. Le bougre est toujours aussi chaud, et on le sent particulièrement boosté de s’intégrer à nouveau dans une dynamique de groupe !
Le graffeur et artiste graphique Sly2 complète le line-up. Non content d’être vegan (qualité indispensable pour intégrer le crew) c’est aussi le responsable de la pochette, du logo et de toutes les photos BXII. Et franchement, chapeau pour la direction artistique, aux antipodes de l’imagerie « hippie-bisounours » collant injustement à la peau des partisans de la cause animale. Cagoule visée sur le crâne, comme parés pour le braquage d’une épicerie de nuit entre les étals de légumes, ces soi-disant « Extrémistes » rentrent dans le vif du sujet sur le morceau éponyme, premier extrait clippé du projet Que la Salade :
« On sait même plus comment commencer,
(L’1consolable)
vu comment ces carnistes rivalisent de mensonges comme on sait,
mais songe que dans le fond c’est, les bêtes qui sont offensées,
« La Nature toute à l’Homme »,
ça sonne comme « La France aux français » »
C’est là où la dynamique de BXII fonctionne le mieux. Autour de textes simples et percutants, qui permettent d‘interroger notre rapport à l’alimentation, notre lien à l’environnement, et la logique de nos systèmes de valeurs.
Le tout servi sur des instrus conçues pour le kickage, à l’image de « Hordearii », deuxième extrait clippé du projet. Une évidence, tellement le titre semble taillé pour brûler n’importe quelle scène !
On se permet une petite critique (sympathique) : en bon soldats du boom-bap, les rappeurs de BXII continuent de creuser le sillon du rap des années 90, sans grande évolution ou prise de risque esthétique.
Il n’empêche : mieux vaut une bonne baguette bien maîtrisée dans les bonnes boulangeries, qu’une tentative hasardeuse avec une farine que l’on connaît mal ! Et je vous vois venir ! On parle bien ici d’une Baguette de campagne cétogène vegan, sans gluten, sans sucre et à indice glycémique bas.
Trêve de plaisanterie : bravo BXII, et longue vie à vous. On attend les prochains projets avec impatience. D’ici là, on vous laisse avec un petit texte du groupe, qui là encore, aura le mérite de nous faire réfléchir.
A mes ami.e.s qui se pensent « de gauche » ou « progressistes » et qui pourraient être interpellé.e.s par les propos tenus sur ce disque, j’aimerais dire avec Fahim Amir, auteur de « Révoltes animales » que « sur la question animale, la gauche est de droite ».
C’est un problème majeur car on ne saurait être considéré comme progressiste tant qu’on lutte contre une forme de domination en faisant l’impasse sur une ou plusieurs autres: une lutte du prolétariat qui remettrait à plus tard la lutte féministe n’aurait aucun intérêt, pas plus qu’une lutte antispéciste qui s’accommoderait de l’exploitation des humain.e.s,
ou une lutte anticoloniale qui transigerait avec l’antisémitisme ou l’homophobie, ou une lutte féministe qui considérerait la question trans comme secondaire, ou un combat pour défendre les travailleurs français aux dépens des travailleurs étrangers, ou une lutte pour de meilleures conditions de vies qui oublierait le sort réservé aux réfugiés ici et partout ailleurs.
C’est important de mener tous ces combats, mais pour ma part à moins de tout tenir ensemble et de considérer qu’on avance sur une cause qu’à condition d’avancer sur toutes les autres simultanément, ça me semble tout sauf progressiste.
A dire vrai, je suis profondément révolté par l’incapacité d’une bonne partie de mon camp, disons la gauche anticapitaliste, antisexiste, antifasciste, et décoloniale, à prendre au sérieux la question de nos rapports aux animaux et à s’engager dans un rapport de force conséquent pour les transformer en profondeur.