Si l’on devait citer des auteurs-interprètes inspirés par le punk qui sillonnent inlassablement les rades et les festivals, Bob’s not Dead ferait indiscutablement partie des incontournables chanteurs de la scène française ! Cet été, nos chemins se sont croisés au festival Oh La Villaines !, entre Tours et Saumur. Entre quatre yeux, on a pu échanger quelques mots au fond d’une grange. Au programme : vadrouille dans les rades, amour, haine et castagne. | Par Polka B.
Peux-tu revenir sur tes débuts dans la musique ?
J’ai commencé à chanter à 15 ans, et j’ai eu un paquet de groupes. J’étais chanteur, guitariste, batteur, choriste… que ce soit de la chanson ou du punk. Le problème c’était l’organisation avec les mecs. Entre les répétitions et les concerts, je me suis aperçu que j’étais le seul motivé pour me bouger vraiment. Ça m’a vite gonflé alors j’ai continué tout seul.
Te vois-tu comme un « chanteur de bar », ou était-ce juste pour le concept de la chanson ?
Toutes mes chansons parlent de la personne que je suis. Cette chanson, je l’ai écrite il y a un bout de temps. Mais c’est vraiment ça. Quand tu vas jouer dans un rade, tu es vraiment face aux gens. Ça provoque un ressenti bizarre. Très particulier. Je fais des festivals énormes, des salles de concerts, et toujours des rades. Ça reste l’endroit le plus rock’n’roll. Je préfère un petit bar bien rentre-dedans qu’un grand festival où tu ne peux pas parler aux gens. La chanson explique bien ce ressenti.
Comment t’organises-tu pour trouver les concerts ? Te reposes-tu sur une démarche DIY ou sur l’appui d’un tourneur ?
J’ai un booker basé à Rennes qui me fait bosser depuis 3 ans maintenant. Ils sont ultra-efficaces et très carrés. Pour être honnête ça me va bien, car je ne sais pas me vendre. Je ne peux pas appeler les gens en leur disant « je suis trop fort, embauchez-moi » ! En parallèle, j’ai monté mon asso Cacahuète Productions. Je gère toute la prod, des fabriques de disques aux envois de commande. Ça, je veux vraiment le garder. J’ai parfois du mal, mais que ce soit bien ou mal fait, je me démerde. J’ai envie de faire bien, pas forcément plus. J’ai la chance d’en vivre et c’est déjà très bien.
Ton univers musical se réclame t’il du punk ? En termes d’esthétique et d’état d’esprit ?
L’esprit c’est une chose. Mais pour tous les débiles qui viennent me voir en me disant que je ne suis pas un punk, ça j’en ai vraiment rien à foutre. Si être un punk c’est être comme tous ces relous qui viennent me faire chier, j’ai pas envie. Au niveau musical, ce que je fais, ça reste de la variété. C’est Yves Jamait qui disait ça. C’est ta capacité à faire plein de choses différentes. Ça me va bien, car je suis tout seul, et je fais ce que je veux. Si j’ai envie de faire un reggae pourri, du blues ou du rock’n’roll, je le fais. J’ai pas envie de me mettre dans une case. C’est pas parce que j’ai une crête pourrie sur la gueule que je vais me réclamer de quelque chose.
Comment décrirais-tu ton évolution musicale, de Rock’n’roll Vespa (2006) à Chic’ Ouf ! (2019) ?
Niveau guitare, je peux te dire que ça n’a pas du tout évolué ! (Rires) Après, je raconte ma vie, mes histoires. Tu peux retrouver tout ce qui me blesse et me touche personnellement. Mes albums, c’est ma vie, et je fais avec. Je fais tout pour que le public le comprenne. Quand j’interprète mes chansons sur scène, j’essaie de transmettre l’intention qui va avec. Ça donne lieu à toutes sortes de réactions. Parfois, certains veulent monter sur scène parce que je les branche. De toute façon, le plus important, c’est de chopper les gens. Ou ça les fait marrer, ou ça leur met la haine. Attention, je vais faire le philosophe… Je vais vous faire croire que j’ai lu beaucoup dans ma vie ! J’ai du lire trois bouquins, attention ! Il s’appelle Bernanos le mec. Il a écrit : « d’amour ou de haine, j’ai juré de vous émouvoir ». Ça m’a marqué. Si ça te met la haine, alors que ça t’énerve vraiment ! Il faut au moins ça. Je crois que c’est ce que j’arrive à faire et j’en suis très content.
Il y a 3 ans on t’avait vu à Loure-Barousse (au feu « Rock-Estival », NDLR) en première partie des Sales Majestés. C’est vrai qu’on avait ressenti cette haine d’une certaine partie du public…
Quel concert de merde ! L’emmerdeur en question n’était pas un punk mais un connard, je tiens à le préciser. Cet enfoiré m’a fait chier pendant tout le concert. J’ai pris un verre dans la gueule, et une bouteille dans la tronche. J’ai arrêté de jouer, j’ai balancé tout mon matos derrière et j’ai passé trois heures à le chercher pour lui démonter la gueule. Je trouve ça incroyable de faire ça à quelqu’un. Si ça te plaît pas, tu dégages. Ça m’a mis les morts. Un de mes pires concerts en 10 ans ! Tout ça à cause d’un mec, alors que plein de gens voulaient écouter le concert. Au bout de trois fois je me suis barré. J’ai pété les plombs, pourtant je ne voulais pas faire ma rock-star comme l’autre con de Soan (Rires). Allez c’était cadeau ça ! Enfin voilà, c’était pas un concert terrible…
Certains artistes établissent clairement une différence entre leur personnage sur scène et la personne qu’ils sont vraiment. Qu’en penses-tu ?
Ça n’a rien à voir avec le fait d’être « professionnel » ou quelque chose comme ça. Les groupes qui enchaînent leur répertoire sans parler au public, je ne les supporte pas. T’as l’impression que les mecs sont à l’usine. Quand tu viens voir un groupe sur scène, il faut qu’il y ait un échange. La musique ne suffit pas, il faut un partage. C’est vrai que parfois je parle trop, mais je trouve ça hyper important de créer ce lien.
Quelles sont les artistes qui t’ont bluffé sur scène ?
J’en ai bouffé un sacré paquet, ça doit faire 20 ans que je fais des concerts et que je vais en voir ! L’an dernier j’ai vu Renaud deux fois, à Toulouse et à Montpellier. L’été d’avant, je l’avais croisé à son bistrot… Il était complètement cuit. J’en ai chialé pendant deux heures… ça a été terrible. Les concerts suivants je savais à quoi m’attendre, donc ça allait un peu mieux.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Acheter une ruine, la retaper. Réparer mon poids lourd. Aller pisser dans pas trop longtemps surtout. J’aimerais vraiment faire un disque live avec mon pote Papi qui joue de l’accordéon, de la mandoline, et de la guitare. Avec mon pote Rico aussi, qui joue de la contrebasse. J’aimerais vraiment qu’on fasse une mini-tournée pour enregistrer les dix dates. Faire ça avec des mecs que j’aime, ce serait bien. Ça apporterait un plus sur les albums.
Qu’est-ce-que tu conseillerais à un jeune artiste qui voudrait se lancer en solo ?
Il faut y aller à fond la caisse. Rien à foutre de rien. J’ai posé ma démission au taf et quand il m’ont convoqué, je leur ai dit que je voulais faire du rock’n’roll. Personne n’a compris. Encore moins mes parents qui m’ont dit que j’étais complètement con. J’ai passé 3 ans à faire la manche. Les concerts, ça s’est fait au fur et à mesure. Peu importe le projet, ce n’est pas que dans la musique. Quand tu as envie de faire un truc il faut y aller, même si tu crève la dalle. Quand je veux quelque chose je l’ai. Je me suis toujours dit ça. Parfois c’est un peu raide, mais je trouve que c’est un bon truc.