BAKE FALTSUA

Nous avons rencontré le jeune groupe basque Bake Faltsua (BKF) lors d’une virée dans les montagnes d’Ordizia pour un concert. Quelle ne fut pas notre surprise d’entrer dans une Gaztetxe totalement blindée de 200 jeunes punks de 23 ans de moyenne d’âge… dans une ville d’à peine quelques milliers d’habitants… Un autre monde, a quelques kilomètres de la France ! Les 5 BKF sont a l’image de cette jeunesse profondément attachée a ses racines et à la fois très ouverte sur l’extérieur, ne jurant que par le punk rock, l’amitié, la fête et la lutte des classes.

| Par Polka B. & Nino Futur | Photos : Garaifot

Salut les gars ! Pouvez-vous nous présenter votre groupe brièvement ? 

Bake Faltsua est un groupe origiaire d’Ordizia, au pays-basque. Il se compose de Marx (guitare-25),Maik (guitare-22), Zebo (basse-22), Gorki (batterie-21) et Mattin (chant-26), mais également Arri (photographe) et Eguzki (ingé son) qui nous aident depuis pas mal de temps. Notre musique est  combative, dans le sens où nos morceaux parlent de notre réalité et de notre pays. Le message que l’on porte tend à dénoncer les injustices qui divisent la lutte des classes. Nos paroles sont en « euskera » la langue officielle du Pays-Basque. En raison de l’oppression française et espagnole que subit notre pays, c’est un moyen pour nous de répandre un sentiment de conscience de classe…

Que signifie « Bake Faltsua » ?

Bake Faltsua signifie “Fausse Paix”’ en Basque. On a opté pour ce nom car il est important que ce dernier soit lié à notre message. De nos jours c’est tellement commun que de parler d’égalité, de coexistence, de paix et démocratie… alors que le taux d’exploitation du prolétariat par la bourgeoisie ne cesse d’augmenter.

Jours après jours, il y a de plus en plus de sans-abris, de gens qui ont besoin du strict minimum. Ceux qui s’informent au delà des médias dominants, peuvent voir que le monde n’est qu’un grand champ de bataille pour des intérêts d’oppresseurs.

De notre côté, notre lutte des classes se place en guerre contre, les oppressions politiques, l’essor de la pensée raciste et ses groupuscules, les violences policières… tellement de signes clairs que la bourgeoisie est violente et ne cesse d’accumuler de la richesse.

Vous habitez Ordizia, loin de toutes les grandes villes du pays. Comment décririez-vous la vie de jeune punk de par là bas ? Quelles sont les particularités de la région de Guipuzcoa ?

Notre région est très industrielle, beaucoup d’usines de multinationales et de sous-traitants, mais aussi une grande zone rurale et fermière.
Géographiquement on est au centre du pays, beaucoup d’immigrés espagnols s’y sont installés par le passé à la recherche d’un emploi, et aujourd’hui la situation est la même mais à l’échelle internationale. 

En tant que jeune groupe punk, c’est une bonne région, nous avons huit Gaztetxes pour les concerts, même si les jeunes groupes ont souvent plus de difficultés à trouver des dates.

Dans beaucoup de villes nous avons des locaux de musique financés par les mairies, car à l’époque les jeunes se sont battus pour ça.

A l’époque il y avait de très bons groupes dans notre région:  Dune Buggy, Potrotaino, Hell Beer Boys, The Last Strength, Brigada Criminal, Fiachras…de grosses références pour nous. Maintenant il y a des groupes comme Aurrez Aurre, Azken Sustraiak, Rudeska, Billy Club, John Dealer and the coconuts…qui sont parmi les plus actifs, respect à eux!!

La première fois que nous avons découvert les Gaztetxes, c’était à Ordizia. Nous avons été surpris de la jeunesse que cela fédérait, et du dynamisme…Des concerts bondés, et ce, loin des villes. Comment est née cette culture des lieux autogérés pour les jeunes ? Quelle est l’histoire de ces lieux ?

Les premiers « Gaztetxes » datent des années 1980’s. A cette époque, la situation politique en Euskal Herria était compliquée, et prospère à la lutte politique. La “fin” de la dictature fasciste espagnole a embrayé sur un gouvernement capitaliste. La crise du pétrole des années 70 a amené de très mauvaises conditions de travail aux ouvriers basques.

A cette occasion les jeunes de bien des villes se sont mis à occuper des bâtiments abandonnés. En premier lieu, il s’agissait d’espaces autogérés de détente pour les travailleurs.

En raison des oppressions que subissait le Pays Basque avec les gouvernements Français et Espagnols, il y a eu de nombreuses initiatives afin de résister à la répression de l’état et défendre le droit des travailleurs. La plupart des Gaztetxes étaient impliqués dans cette lutte pour créer du lien et s’organiser politiquement…

Aujourd’hui, le mouvement socialiste (Mugimendu Sozialista) auquel nous sommes affilié, essaie de développer ces lieux comme des espaces d’organisation des travailleurs (ERRAKI). Il est important de dire que désormais la bourgeoisie basque, espagnole et française, voudrait faire fermer ces espaces, comme dans bien des pays… C’est pourquoi nous lançons un appel pour défendre ces lieux.

Combien de Gaztetxes existent-ils en Euskadi ? Existe-t-il une limite d’âge pour s’impliquer dans ces lieux ?

On ne peut pas te donner le nombre exact de Gaztetxes en Euskal Herria…plus d’une centaine c’est sûr. Aujourd’hui les Gaztetxes sont des espaces d’organisation politique pour les jeunes, mais ils peuvent également devenir des lieux d’organisation pour les travailleurs dans un sens plus général. Il n’y a pas de limite d’âge. Même s’il est vrai que tu y trouveras davantage de jeunes (entre 15 et 30 ans). 

Pourquoi l’esprit punk est-il si répandu en Euskadi ? Pourquoi est-ce si ancré dans des idées d’extrême gauche ?

Il est important de poser le contexte du Pays-Basque durant les années 70-80’s. Le Pays-Basque est un pays qui a dû se battre durant des siècles face aux Français et aux espagnols. La culture basque a toujours été sujette à des attaques. Pour vous, en France il en est un peu de même pour les Bretons et les Corses.

De par cet esprit de résistance, quand le punk a connu son essor dans les années 80’s, cette musique a servi aux jeunes basques de porte-voix. Durant les années 60, des chanteurs utilisaient déjà la musique pour revendiquer leur identité, leur langage, leurs luttes (Ez dok hamairu, Errobi…), il en fut de même pour les punks.

Pour ceux qui ne connaissent pas, pouvez-vous nous présenter vos groupes les plus emblématiques ? L’évolution de la scène et son lien à la politique au fil des années ?

Des groupes comme Kortatu, Negu Gorriak, Eskorbuto, Itoiz, Delirium Tremens, Cicatriz, La polla records, Hertzainak…ils ont commencé dans les années 80. C’est impressionnant de voir comment un si petit territoire a pu drainer autant de groupes. Never Surrender, Oliba Gorriak, Kloratita, Brigada Criminal, Orreaga 778…Ce sont des groupes qui nous ont influencé, de par leur message et leur musique. 

Pour ce qui est de l’évolution de la scène, on peut dire qu’elle est assez similaire à celle de la gauche basque. La dualité entre le nationalisme et l’anti capitalisme a été récupérée comme une stratégie de classe.

En tant que jeune groupe comment vous sentez-vous vis à vis de cette histoire ? Quels sont vos idéaux auxquels vous vous sentez le plus rattachés ? 

Nous sommes dans la même lignée militante que ceux qui ont voulu développer quelque chose avec la musique. Nous militons pour le Mugimendu Sozialista, nous combattons pour une abolition des classes et des oppressions. Nous pensons que la seule façon d’y parvenir est le communisme.

La dépolitisation, l’individualisme, le manque de mobilisation se fait ressentir…C’est pourquoi les études en théorie révolutionnaires, le marxisme et son expérience sont de bonnes façons de rejoindre la lutte des classes.

Nous-nous sentons proches des travailleurs du monde entier, nous devons apprendre de nos erreurs. Nous savons que le projet du socialisme a été vaincu, mais nous continuerons à nous battre.

Quels sont vos objectifs en tant que groupe ?

Le but principal est de répandre notre message le plus possible. Mais il est également important pour nous de se sentir bien et de s’amuser en le faisant.

Nous faisons également ça pour rencontrer des gens comme vous, l’équipe de Krav Boca et de Karton Zine, des gens qui veulent répandre un message, chanter et lutter contre le capitalisme. Ce serait cool de développer davantage de relations avec d’autres groupes aux objectifs similaires, s’entraider, apprendre entre soi… 

Les groupes de la scène basque semblent très soudé et actifs, beaucoup de public aux concerts. Pensez vous qu’il est important de s’en détacher un peu ? Avez-vous des contacts hors-Euskadi ?

Bien sûr que c’est important. Nous voulons jouer hors du pays basque, comme nous le disions notre objectif est de répandre un message. Nous avons tant à apprendre de beaucoup de monde. Nous avons des contacts en Espagne, en Catalogne, Galice, France, Italie… Nous ne sommes pas encore sortis du pays car nous travaillons; étudions; militons…Mais si nous prenons le temps d’organiser ça, nous y fonceront.

Pensez-vous que l’identité basque peut avoir un retentissement à l’étranger? De quels pays vous sentez-vous proches?

Cela est possible. Nous connaissons énormément de groupes qui ont joué hors d’Euskadi, à Berlin, Hambourg, en Suisse, France…Nous ne nous sentons pas proches d’un pays ou d’une région particulière, nous nous sentons proche d’une lutte. La lutte des classes.

Quels sont vos futurs projets ?

Nous travaillons sur de nouveaux morceaux. Le seul CD que nous avons sorti était déjà il y a quelques années, il est important pour nous de faire de nouvelles choses avec l’évolution et le temps. On voudrait aussi essayer de bosser sur de nouvelles choses: videoclips, merch, photos… Découvrir de nouveaux lieux… tout ça sans se mettre la pression bien sûr. On sait qu’être jeunes est plus propice à ce genre d’opportunités. Qui sait si on aura tout notre temps pour faire ça. Il faut vraiment le faire maintenant.

Nous voulons remercier les gens qui continuent à nous soutenir, nous ont bookés sur des concerts, ont fraternisé durant des concerts…Aussi à l’équipe de Karton zine pour le travail que vous faites, et à la famille de Krav Boca, merci encore!